L’essayiste Hakim El KAROUI (HEK) et le militant Marwan Muhammad (MM) dévoilent leurs idées pour structurer le culte musulman
Qui prendra l’avantage ? Dans la course destinée à structurer le culte musulman en France, les chantiers progressent. Tandis que le CFCM semble faire du surplace, deux projets avancent en parallèle, en concurrence.
D’un côté l’essayiste et consultant HEK, devait présenter lundi 21 janvier, l’Association des Musulmans pour un Islam de France (AMIF), qu’il prépare depuis un an. Il espère convaincre Emmanuel MACRON d’accorder à l’AMIF, une forme de reconnaissance de l’Etat pour en faire, à terme, l’organisme de référence dans le soutien aux mosquées, au personnel cultuel et aux fidèles musulmans. Un organisme qui assurerait plus de transparence et d’efficacité aux flux financiers que génère la seconde religion française.
Pour accréditer progressivement le rôle de son association dans les milieux musulmans, il voudrait commencer par l’imposer comme un acteur central dans l’organisation du pèlerinage ou du moins dans la certification des agences de voyage qui amènent tous les ans 25 000 pèlerins français à La Mecque. Plusieurs figures de proue de l’islam français se sont associées à sa démarche. Tarek OUBROU, recteur de la mosquée de Bordeaux …et d’autres imams étaient présents à la journée de travail sur l’AMIF, organisée en novembre 2018 à Paris. Une application permettant de faire des dons en faveur de l’association cultuelle de son choix et d’assurer leur traçabilité, devrait aussi voir le jour.
De son côté la plateforme « L.e.s musulmans » a annoncé jeudi 24 janvier, la mise en place d’une « assemblée des imams ». Lancée fin septembre 2018 à l’initiative du militant et essayiste MM, cette plate- forme veut, elle aussi, constituer une sorte de support opérationnel pour les acteurs du culte et les fidèles sous une forme qui reste à définir –association, fondation, fédération. Mais, contrairement à l’AMIF, elle veut se tenir à l’écart des pouvoirs publics, ou plutôt tenir l’Etat à l’écart des structures musulmanes. Un texte publié sur le site accuse ainsi le gouvernement de vouloir « mettre sous tutelle les imams et les prédicateurs », par la réforme de la loi de 1905 en préparation.
Parmi les imams qui l’ont rejointe, la plate-forme L.E.S. musulmans met en avant, par des vidéos, plusieurs prêcheurs qui ont une très large audience sur Internet ou dans les circuits de conférenciers. Il s’agit de…plusieurs imams de Brest, de Roubaix… certains sont issus d’une mouvance d’inspiration salafiste et ont suivi des trajectoires individuelles variées ; d’autres se situent dans une mouvance plus proche de l’ex UOIF.
Le collège ne se résume pas à eux, même s’ils ont une grande audience, précise MM. Il y a des gens d’inspiration très différente dans l’assemblée des imams. « On n’a pas besoin d’être d’accord sur tout ajoute MM. Plutôt que sur l’idéologie, il faut travailler sur la concordance opérationnelle, sur des positions ou des projets précis ».
Avec cette assemblée, l’ambition est de pouvoir fournir en ligne des formations, « une bourse d’emploi des imams » destinée à mettre en contact cadres religieux et associations gérant des mosquées, mais aussi des contenus relatifs aux prêches. « Cela permettra d’évoquer des questions en lien avec le contexte et de faire passer une parole commune au niveau national au sein des mosquées, sur les sujets les plus importants. Le consensus par le travail, plutôt que par l’injonction », explique la plate-forme. C’est une façon de répondre à l’attente de ceux qui, musulmans ou non, attendent une parole musulmane plus identifiée. « Les dérives sectaires, les parcours marginaux et autre replis sur soi » (le terme « radicalisation » jugé inapproprié est soigneusement évité) seraient également traités par cette assemblée des imams.
S’ils sont encore loin d’être finalisés, les deux projets en compétition prennent forme. Ils ne sont pas encore aboutis, sans doute sur la question du hallal, sans doute la plus complexe. En attendant, ils sont en train de prendre une longueur d’avance sur le CFCM, le partenaire officiel des pouvoirs publics pour le culte musulman, empêtré dans la préparation de ses prochaines élections internes, au printemps. L’Etat pourrait se retrouver, à terme, avec plusieurs interlocuteurs. Cécile CHAMBRAUD
Observations de MICA : La journaliste du Monde fait un excellent travail d’analyse des projets en présence.
Il est exclu que l’Etat, notamment le PDR, choisisse entre ces projets concurrents, ce serait contraire à l’impartialité de l’Etat dont la loi de 1905 a défini la matrice.
Seule une révision constitutionnelle préalable pourrait modifier ce contexte et permettre aux pouvoirs publics d’entrer en négociation avec l’association de musulmans prête à accepter les valeurs républicaines de notre pays.
PRICIL connaît depuis longtemps Marwan Muhammad, qui a mis ses compétences au service du CCIF (Comité Contre l’Islamophobie en France) – il en a été le Secrétaire Général- pour contrer toute tentative de « francisation » de l’Islam, en parfaite coordination avec la doctrine wahabbite d’Arabie Saoudite (salafisme) et aussi en liaison avec le mouvement des frères musulmans (islamisme).
Je soupçonne l’initiative « L.e.s. musulmans » créé par MM d’avoir été conçue comme un contrefeu à l’AMIF, pour plonger les pouvoirs publics français dans la paralysie de l’impossibilité de choisir en raison du respect du principe d’impartialité, de valeur constitutionnelle.
Dans l’article accessible avec le lien ci-dessus, PRICIL a commencé sa réflexion. « Le Grand Débat » sera-t-il l’occasion d’aller plus loin ? Pourquoi pas ?
PRICIL recommande la lecture de l’essai d’Adrien CANDIARD. Ce court essai (120 pages), très bien écrit par un frère dominicain en résidence au Caire, nous a permis de nous poser beaucoup de questions, ce qui est essentiel pour l’agnostique que je suis.